La réponse est simple: non. Regardez
les mannequins d’un défilé de mode sur le
catwalk, tout est fait pour paraitre sous la meilleure lumière
possible, être vu, avec une démarche mettant en
valeur les vêtements portés. Une exposition canine
est la même chose. "Le but est de mettre l’exposé
dans le ring dans le meilleur état que possible."
le disait A. Hopwood en 1903.
On aime ou on n’aime pas ce type
de manifestation, mais pour y participer les règles établies
sont à respecter pour les participants et le toilettage
de type expo en fait partie.
En 1910 James Watson écrit dans
son article "L’utilisation du Bobtail comme chien
d’exposition a amélioré son look et le type
s’est amélioré. La taille, la longueur et
la qualité de sa fourrure sont essentiels pour un chien
d’exposition. Un chien qui n’est pas dans un état
extraordinaire ne peut pas gagner une exposition, même
s’il est plus près du standard que son concurrent
en parfait état de poil. Le manuel du succès pour
un Bobtail: brosser, brosser et encore brosser." De nos
jours rien n’a changé, les propos n’ont pas
perdu de leur actualité.
Souvent la première sortie en exposition des novices
avec leur chien ressemble fortement à une douche froide
à cause de la différence de l’état
et de la prestation des chiens des routiniers du milieu de l’exposition.
Le toilettage du type expo ne s’invente pas. Il est beaucoup
plus technique qu’on pourrait le croire au premier coup
d’œil. Sortir un résultat satisfaisant nécessite
un savoir-faire, de la pratique et de la persévérance.
Et il y le phénomène du
surtoilettage. Très étonnant, déjà
en 1894 R. Lee en parle à propos d’une chienne
du Dr Locke, nommée Gwen qu’il considère
comme "gâtée par le surtoilettage à
des fins d’exposition".
Un peu plus tard en 1903 W.D. Drury nous fait savoir "Avoir
la fourrure d’un Bobtail au summum de la condition n’est
pas une tâche facile. Il faut le toiletter régulièrement,
mais il existe une chose comme le surtoilettage."
La définition de ce qu’est
le surtoilettage a certainement changée au fil du temps
mais le surtoilettage reste un sujet sensible et récurrent
qui échauffe les esprits depuis le début de l’ère
des expositions.
En 120 ans le Bobtail, une fois sorti
des champs et transformé en chien d’exposition
par des éleveurs et grands amateurs de la race, est passé
d’un look plutôt naturel à un modèle
hyper sophistiqué. L’importation de chiens aux
Etats Unis en provenance de l’Europe et notamment de l’Angleterre
au début du 19ème générait des sommes
astronomiques. Des personnes connues et célèbres
de La High Society new yorkaise était les premier à
voir dans le Bobtail un modèle de chien unique, un joli
ornement. Le rôle des premières femmes éleveur
et exposant a sûrement joué un rôle non négligeable
dans l’amélioration du comportement vis-à-vis
du chien, du toilettage ainsi que le soin des chiens.
Un article de Francis Hopkins en 1910 dans le Desert Evening
News fait état du changement du statut du chien, du chien
utilitaire au chien de compagnie, symbole de statut social de
ses propriétaires.
Une première étape. On peut apercevoir un changement
dans le toilettage dans les années 20 et 30, les poils
deviennent plus longs. Les photos des années 40 et 50
montrent des chiens avec les poils sur la croupe brossés
vers le haut mais aussi avec encore plein de poils sur le cou.
Aujourd’hui en dirait que le chien a la tête dans
les épaules. Dans les années 70, on commence à
travailler sur cette zone. Le début du toilettage moderne
est certainement donné par des éleveurs anglais,
belges, allemands et français. La parfaite mise en valeur
de la fourrure du Bobtail qui met en valeur le chien et qui
a fait son chemin à travers le monde.
Aujourd’hui le toilettage est passé
à un stade de sophistication supérieur, une sorte
de toutou tuning. Taillé au millimètre, plus un
poil ne dépasse d’un nanomètre. Apercevoir
la véritable construction morphologique du chien simplement
à l’œil est devenu impossible.
Produits pour alourdir des poils sur certaines zones, produits
super gonflants pour d’autres, produits pour durcir le
poil, les cous et poitrines taillés courts, les poils
d’une longueur d’à peine un centimètre
sur l’arrière, etc. le listing des caractéristiques
de ce type de toilettage est longe.
La dernière de version du standard
du Bobtail de 2012 nous dit concernant la robe "Qualité
du poil: Abondant, de texture bien rêche, il n’est
pas droit mais hirsute et exempt de boucles. Le sous-poil est
un feutrage imperméable. La tête et le crâne
sont bien couverts de poils. Les oreilles sont modérément
garnies. Le cou a une bonne garniture, de même que les
membres antérieurs, sur tout leur pourtour. Le poil est
plus abondant sur l’arrière-main que sur le reste
du corps. Il faut attacher plus d’importance à
la qualité et à la texture du poil qu’à
sa simple longueur et l’abondance."
Le standard américain est plus
explicite "Ni la ligne naturelle ni la texture naturelle
de la fourrure ne doivent être modifiées par un
moyen artificiel à l’exception des pieds et de
l’arrière pour des raisons de propreté."
Il ne faut pas oublier, que l’ablation de la queue fait
partie du standard, ce qui explique la coupe de l’arrière.
Nulle part le standard actuel de la FCI
ne parle d’utilisation des ciseaux et de produits. Rien
n’est formellement interdit et laisse libre cours à
une interprétation vaste.
Pourtant en exposition on n’arrête
pas d’entendre des voix qui s’élèvent
dénonçant un excès de toilettage.
Mais le phénomène n’est
pas seul et on ne peut pas désigner comme uniques et
seuls responsables de cette évolution les toiletteurs,
éleveurs et exposants.
En excluant des juges mono races et spécialistes de la
race, en choisissant uniquement des juges multi-races pour les
expositions, les sociétés canines favorisent le
chien super modèle pour le ring d’honneur avec
un look de chien hyper précieux.
Les clubs de race ne prennent pas une position claire, aucune
consigne n’est donnée en direction des juges et
des exposants.
Existe-il une véritable volonté
de changer quoi que ce soit? Doit-on changer des choses? Quel
est le but à atteindre?
Les questions restent ouvertes et donne peut-être sujet
à une discussion dans un temps futur.
N’oublions pas que le toilettage
doit mettre en avant les qualités intrinsèques,
et non dissimuler les défauts du chien.
BIBLIOGRAPHIE
Rawdon Lee "A history and description of the modern dogs
of Great Britain and Ireland", 1894
Charles Henry Lane "Dog Shows and
Doggy People", London, 1902
W. D. Drury "British Dogs, their
points, selection and show preparation", London et New
York, 1903
Aubrey Hopwood "The Old English Sheepdog
from puppyhood to championship", London, 1905
James Watson dans The Brooklyn Eagle,
New York, mercredi 26 octobre 1910 "Outdoor Life in City,
Suburbs and the Country. The Old English Sheepdog"
James Hopkins dans le Desert Evening
News, Salt Lake City Utah, samedi 16 juillet 1910, "Millions
of Dollars spent yearly in England on dogs"